HÉRON LE FOU

La thématique : le bal folk

Si la danse est, depuis l’aube des temps, un moyen d’expression propice à la rencontre, ce n’est que dans les années 70 que ressurgit l’évidence de la valeur de ce patrimoine populaire en voie de disparition. Le bal folk est alors réintroduit. Evénement convivial et chaleureux, il relie musiciens et danseurs. On y danse sur des chorégraphies précises, le plus souvent sans costume folklorique. En général, la musique du bal est d’inspiration traditionnelle, mais les mélodies peuvent être arrangées ou revitalisées selon des influences diverses.

Dès lors, rien d’étonnant à ce que le bal folk interpelle le duo Draak : la musique d’Anne-Sylvie Casagrande et d’Yveline Schwab n’a de cesse de tisser des ponts entre tradition et innovation. Fascinée par les héritages du passé, elle en revendique toutefois une réécriture personnelle et inédite. Or le milieu du bal folk est justement friand de métissages créatifs qui lui apportent un souffle neuf.

D’autre part, le violon et la vielle à roue qui caractérisent le duo Draak font partie des instruments traditionnels utilisés lors des bals folks. Prendre conscience de leur usage populaire aidera le duo à explorer et composer un « nouveau » répertoire.

Enfin, le duo Draak aime offrir à son public une expérience vivante, originale et fortement incarnée par une présence scénique étudiée. Or la danse convient particulièrement bien à son credo d’une  musique prolongée par le corps.

Or, en tant que duo professionnel, Draak cherche à multiplier les lieux où il peut se produire, tout en diversifiant ses publics. Aussi HÉRON LE FOU se donne le défi d’être deux spectacles différents dont la musique reste la même : un se jouera pour les parquets et sera dédié aux danseurs. L’autre sera conçu pour les théâtres et transmettra, par sa mise en scène, l’expérience d’un bal folk au public assis.

Les ingrédients musicaux

Entièrement composée par Anne-Sylvie Casagrande, la musique d’HÉRON LE FOU combine différents ingrédients :

1) DES CHANTS DANS UNE LANGUE INVENTÉE :

Le chant occupe une place privilégiée. Dans une tessiture d’altos profondes, les voix presque jumelles des deux musiciennes s’épousent et se provoquent dans leur intensité. Pour les paroles des chants, Anne-Sylvie Casagrande crée une langue inventée. Cette dernière peut se décrire comme un verbiage rythmé et rimé de mots qui n’existent pas, mais qui, par le jeu des étymologies, sont travaillés de manière à sembler étrangement familiers à l’auditeur, comme s’il s’agissait de réminiscences d’un monde intérieur commun. En offrant le sens de ses mots en cadeau, le duo Draak invite dans ce lieu intime où les clefs de connivence sont l’intuition, le rêve et la mémoire de nos racines.

2) DES INSTRUMENTS PARTICULIERS :

En plus des voix, la partition prévoit trois vielles à roue, un violon, des cloches, une flûte harmonique et un accordéon.

3) DE L’ÉLECTRONIQUE AJOUTÉE :

Le jeu naturel des instruments est prolongé par une bande son créée. Cette bande permet d’ajouter les basses et les rythmiques nécessaires aux compositions, tout en sculptant, par ses surimpressions, des paysages sonores. HÉRON LE FOU joue avec la machine et ses possibilités pour étager différents plans d’écoute.

Le style

Stylistiquement, le duo Draak prend une fois de plus plaisir à brouiller les pistes et à emmener l’auditeur dans des contrées de métissage. En effet, le mélange voulu d’instruments anciens et de nouvelles technologies, le détournement de mélodies à consonances ethniques en arrangements audacieux et d’évidence contemporains, ainsi que les sonorités antiques de sa langue pourtant inventée posent des questions sur nos racines profondes, sans toutefois renier la part actuelle en nous.

Un partenaire musical

Pour HÉRON LE FOU, le duo Draak a choisi d’inviter le musicien Yves Donnier. Considéré comme un des meilleurs joueur de vielle à roue de Suisse Romande, les talents de ce musicien ont également été reconnus dans le Berry français, au festival international des Maîtres-Sonneurs de St-Chartier, où il reçoit le 1er prix (catégorie solo et duo) en 1990 et officiera en tant que membre du jury jusqu’en 1996.

Des études de musicologie et de piano classique à Genève, ainsi que de musique ancienne à Londres (classes de Steven Preston et de Doreen Muskett) lui ont conféré une virtuosité technique sans pareille. Ses propres recherches en lutherie ont aussi contribué, par des améliorations apportées à l’instrument, à développer une grande finesse de jeu, un sens du toucher, du phrasé et de l’ornementation très personnel.

Passionné par l’échange vivant et en constante évolution qui relie sur un parquet musiciens et danseurs, Yves Donnier puise son inspiration dans ce dialogue : une façon de danser va stimuler une façon de jouer, qui va à son tour influencer une façon de danser. Attentif comme un équilibriste subtil obéissant aux lois de l’action et de la réaction, le musicien folk n’a de cesse de s’adapter et de provoquer.  L’improvisation et l’art de la variation créent dès lors le langage musical spécifique du bal folk.

Pilier de nombreux groupes de musique traditionnelle, il incarne pour le duo Draak le navigateur expérimenté nécessaire pour s’aventurer dans le style et dans le groove particulier des musiques conçues pour le bal.

Quant à Yves Donnier, être l’invité du Duo Draak représente également le défi audacieux d’oser s’ouvrir aux mouvances de la créativité.

Héron le Fou

Par le choix de ce titre saugrenu, le duo Draak souligne son souhait d’apporter par son projet une nouveauté imprévisible sur la scène du bal folk. Si le héron est bien un oiseau de chez nous, sa silhouette particulière en fait un motif d’étonnement et de décalage. Quant à ses longues pattes, elles créent dans l’image un rapport plein d’humour avec les pas de danse : à la fois élégant et aérien, la relation d’équilibre du héron avec le sol reste un exercice de maîtrise périlleux ! S’il danse, son style restera toujours personnel et particulier. Or notre héron est fou. Ses comportements surprennent et ne se laissent jamais prédire. Par ce titre, le duo revendique ainsi sa liberté.

Le bec du héron

Comment s’articule le langage de ce curieux animal ? Les compositions sont volontairement contrastées : légères et malicieuses, ou burlesques et comiques, mais aussi oniriques et lunaires, émouvantes et langoureuses, ou encore rapides et féroces, enfin saugrenues, excentriques et déconcertantes.

Comme sorti d’un sac de billes, chaque morceau sera donc une surprise colorée qui suivra sa trajectoire personnelle imprévisible, tout en obéissant aux codes des différentes danses. En effet, les mélodies et les rythmiques doivent, sans marge d’erreur et dès les premières mesures, laisser le danseur reconnaître une polka, une scottish, une valse, une mazurka, un andro, un hanter dro, une chapelloise, un cercle circassien, une bourrée ou encore un rondeau.

Les morceaux enfin surprennent l’auditeur par leurs chatoiements harmoniques innovants et par leurs balancements polyrythmiques ressentis comme autant de petits chocs inhabituels, comme quand les agates se heurtent.

La narration

Pour le spectacle version théâtre, le duo Draak et son invité racontent les aventures d’Héron le Fou. Ce dernier, doté par la nature de jambes d’une longueur exceptionnelle, veut apprendre à danser et se rend au Grand Bal des Oiseaux. Cette narration oscille entre le ton du conteur, du mime et du comédien et permet d’introduire beaucoup d’humour. L’auditeur rit, s’apitoie et s’émeut. Il vit par procuration les émotions d’un danseur néophyte. Cette narration, les costumes ainsi qu’une mise en scène théâtrale des différents morceaux guide l’écoute et facilite l’accès à l’imaginaire de la musique.