Les Rasses, Grand hôtel, 26.02.2015, Contes au pays de l'horloge, Anne-Sophie Casagrande et Yveline Schwab. © 2015 Bobby C.Alkabe

photo©Bobby C. Alkabes

CONTES AU PAYS DE L’HORLOGE

Anne-Sylvie Casagrande : compositions, langue inventée, voix, vielle à roue, cloches et carillons, auto-harpe, flûte harmonique, tin whistle, guimbardes, kalimba, davul
Yveline Schwab : compositions, loops bruitistes, voix, violon, kalimba, cloches

Le duo Draak, à côté de ses autres spectacles, a eu envie de raconter la région des plateaux du Jura Vaudois. Sur le mode du conte musical, Anne-Sylvie Casagrande et Yveline Schwab se donnent le défi, sur une trame d’horloges, de neige et d’automates, de suspendre pour un moment l’engrenage du Temps afin de laisser battre notre cœur.

La thématique

CONTES AU PAYS DE L’HORLOGE raconte l’homme génial inventeur de l’horloge et des automates.
CONTES AU PAYS DE L’HORLOGE évoque le combat permanent et émouvant de l’homme contre le temps et la mort.
CONTES AU PAYS DE L’HORLOGE interroge la musique sur ses mécanismes par essence temporels.

Les histoires

Contes au Pays de l’Horloge se décline en trois histoires ayant toutes un lien avec l’horloge et sa mécanique :

1) Le Rossignol et l’Empereur de Chine (1843), de Hans Christian Andersen.
Ce conte merveilleux tiré du répertoire traditionnel suédois parle d’un oiseau mécanique qui séduit par sa riche apparence, mais dont l’artifice ne remplacera jamais les qualités d’un véritable oiseau. Il enseigne qu’on ne peut s’approprier le talent d’autrui, ni le remplacer par une imitation. Pour grands et petits (dès six ans).

2) Le Réveil Matin (2014), de la comédienne fribourgeoise Anne-Laure Vieli.
Ce conte poétique contemporain raconte les pensées fugaces d’une petite fille empêchée de dormir par le bruit de son nouveau réveil matin. Dans une deuxième partie, il met en scène la tyrannie du temps à laquelle seul l’amour permet d’échapper. Pour grands et petits (dès six ans).

3) L’Horloger et la Mort (2015), du duo Draak.
Ce conte fantastique contemporain est une vaste fresque ayant pour cadre la petite cité horlogère de Sainte-Croix. Les descriptions réalistes s’y marient avec l’évocation du surnaturel couvent de la Mort. Pour atteindre à l’immortalité, un horloger invente la montre automatique. Ce faisant, il met un grain de sable dans les rouages du temps qui se retourne contre lui. Pour grands et petits (dès six ans).

La démarche

Intimement convaincu du pont qui relie passé et présent, le duo Draak est sensible aux racines ainsi qu’au monde de l’imaginaire. C’est pourquoi le conte – avec sa transmission orale d’un patrimoine et aussi avec ses licences d’invraisemblance – interpelle tout naturellement les deux musiciennes. La force émotionnelle ou philosophique qu’il contient a toujours su les émouvoir.

Quant au choix du monde de l’horlogerie, il n’a rien d’innocent pour les deux femmes originaires des vallées du Val de Travers et du Jura Bernois. Contes au Pays de l’Horloge leur permet de revisiter le paysage symbolique particulier de leur enfance.

A côté de sa révérence au passé, le duo revendique cependant sa fascination pour l’innovation créatrice et n’hésite donc pas, sur la moitié du spectacle, à inventer sa propre histoire.

Enfin, ce spectacle permet au duo d’explorer la relation vivante, dialoguante et féconde que peuvent entretenir sur scène parole et musique.

La musique

Si, dans la tradition du duo Draak, les instruments à corde sont prépondérants (violon, vielle à roue, autoharpe, voix), on constate cependant que la notion de prolongation du passé dans le présent se retrouve également dans le choix de l’instrumentarium.

En effet, les instruments anciens côtoient des bricolages inédits et insolites (par exemple une arche inédite supportant 64 cloches, clochettes et carillons) et n’hésitent pas à se mesurer à des technologies électroniques actuelles (loopers, pédales d’effets). L’emploi de machines permet la construction de tapis sonores en surimpressions qu’Yveline Schwab utilise pour illustrer les différents paysages et ambiances de la narration.

Le style choisi pour les musiques aime à brouiller ses repères. En évolution et en transformation, il dirige le voyage de l’auditeur : un passage peut lui évoquer une mélodie traditionnelle polonaise, puis une harmonie nordique ou chinoise. Mais l’instant d’après, un style contemporain et expérimental prend le dessus.

Or les différentes musiques, créées pour l’occasion, tissent toujours leur ronde au service de l’histoire, cherchant à améliorer sa visualisation et à majorer les émotions qu’elle véhicule. Ainsi, les passages tendres alternent avec les passages inquiétants, les touches humoristiques s’enchaînent avec les touches tragiques, les descriptions prosaïques font place aux évocations plus subtiles du surnaturel).

La mise en scène

Tout en préservant la simplicité et la convivialité qu’elles jugent nécessaire au rituel du conte, Anne-Sylvie Casagrande et Yveline Schwab truffent leur spectacle de surprises et de coups de théâtre. Se passant la parole avec aisance et complémentarité, elles charment par leur humour naturel, leur vivacité scénique et leur grande spontanéité. Mais elles savent aussi se faire vibrantes, profondes et passionnées. Dans un hymne à l’énergie de la femme oscillant entre force et fragilité, Contes au Pays de l’Horloge emmènent le spectateur dans un voyage émouvant au pays du rêve et des racines.